Neuf mois après la disparition tragique du jeune rugbyman Medhi Narjissi, emporté par les flots lors d’un stage en Afrique du Sud, ses parents ont été reçus ce lundi 28 avril au ministère des Sports pour consulter le rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR).
Un document jugé accablant et qui pourrait relancer l’enquête judiciaire.
« Un travail extraordinaire », a salué Jalil Narjissi, père de Medhi, à la sortie de cette rencontre avec la ministre des Sports, Marie Barsacq. Accompagnés de leur avocat, Me Édouard Martial, les parents du jeune international de 17 ans ont pu découvrir les conclusions de cette enquête administrative de 121 pages. Leur avocat est formel : « Le rapport est accablant à plusieurs égards. »
Le drame s’est produit le 7 août 2024 sur la plage de Dias Beach, réputée dangereuse. Medhi Narjissi participait alors à une séance de récupération avec l’équipe de France U18. Depuis, une information judiciaire est en cours, ouverte en octobre dernier. Elle a déjà mené à la garde à vue, puis à la libération sans suite immédiate, de Stéphane Cambos, ex-manager de la sélection.
Le rapport pointe une série de défaillances dans l’organisation du stage. Les inspecteurs dénoncent une tournée mal préparée, des conditions d’hébergement précaires et un encadrement lacunaire. « Les enfants ont été accueillis dans un endroit catastrophique sans chauffage, des sanitaires à l’extérieur et des douches communes », insiste Me Martial.
Mais c’est surtout la séance du 7 août qui cristallise les responsabilités. Robin Ladauge, préparateur physique, est directement mis en cause. À l’origine de la baignade, il « porte la responsabilité principale », selon le rapport. Ce dernier, entendu en audition libre, a expliqué ne pas avoir vu les panneaux d’alerte et ne pas connaître la dangerosité du site. Pourtant, il s’agissait de son sixième séjour en Afrique du Sud, et la météo avait été consultée.
La négligence s’étend aussi à l’absence de vérification des compétences aquatiques des joueurs. « L’encadrement ne s’est même pas préoccupé de savoir si les enfants avaient des connaissances en natation qui leur permettait d’affronter l’océan », déplore Me Martial.
Stéphane Cambos, alors manager, est lui aussi mis en cause pour son manque de réaction. Le rapport souligne « une absence d’opposition ferme » de sa part, malgré sa position hiérarchique. Il aurait reconnu *ne pas avoir « fait preuve d’une vigilance et surveillance particulière de son collègue (…) Il a considéré que le niveau de son collègue méritait d’avoir confiance en son comportement et sa loyauté ». *
Le jour du drame, l’encadrement se révèle sous-dimensionné : seulement trois adultes présents sur la plage, et pas de médecin. L’absence de protocole d’urgence a été flagrante, aboutissant à une « panique généralisée », selon les inspecteurs.
La Fédération française de rugby (FFR) est également épinglée. Le rapport critique « un climat interne perturbé » et une gestion déficiente de la crise. L’absence d’un chef de délégation, « supprimé pour des raisons d’économie », aurait contribué à un encadrement flou.
« Pour des raisons d’économie, la fédération a supprimé ce poste de chef de délégation ce qui a provoqué cette situation d’imprécision dans les règles, et de violation de certaines », note Me Martial.
Quant au rapport interne de la FFR, publié en septembre, il est lui aussi contesté. Conduit par une seule personne, au sein d’une direction impliquée dans le séjour, il conclut à un accident sans identifier clairement de fautes. Mais pour la famille, les responsabilités sont multiples, et le président de la FFR, Florian Grill, ne peut s’en dégager.
« La responsabilité du président de la fédération, en tant que dirigeant de la personne morale FFR est directement engagée dans la manière dont cette tournée a été mise en place (…) Il ne peut pas s’abriter devant cette responsabilité au regard des insuffisances caractérisées », tranche Me Martial.
À la suite de ces révélations, les techniciens des U18 mis en cause ont été suspendus à titre conservatoire. La famille Narjissi, elle, attend désormais que l’enquête judiciaire progresse. Elle espère des mises en examen pour homicide volontaire, convaincue que le drame aurait pu être évité.
« Nous espérons que la justice fera le nécessaire. Au-dessus des encadrants sur place, des erreurs ont été commises », conclut Jalil Narjissi.