Ce samedi à Cardiff, un homme est resté un instant figé. Derrière le sourire des joueurs de l’Union Bordeaux-Bègles brandissant la Champions Cup, il y avait une histoire. Celle d’un président qui, pendant près de deux décennies, a porté son club à bout de bras.
Une victoire qui dépasse le simple cadre du sport. Pour Laurent Marti, c’est l’aboutissement d’un engagement personnel intense, forgé dans la solitude, l’incrédulité générale et la passion.
« L’histoire de l’UBB, elle est atypique, elle est chaotique. Tu ne peux pas ne pas être marqué par tout ce qu’on a vécu. En plus, elle est complètement improbable », confiait-il la semaine dernière via Sud-Ouest. De ses débuts hésitants à la tête d’un club alors moribond, à cette consécration européenne, Marti n’a jamais cessé de croire. Même quand tout l’invitait à baisser les bras.
Des souvenirs amers, une ascension fulgurante
En 2010, il envisageait de tout arrêter, seul dans son bureau à Moga. Un an plus tard, l’UBB accédait au Top 14 en battant Albi. Ce match, il ne l’a jamais oublié : « C’est celui qui m’a le plus marqué et qui m’a procuré le plus de plaisir ».
Alors, lorsqu’il a vu son équipe atteindre cette finale européenne, l’écho du passé s’est mêlé à l’intensité du présent. « J’ai un ressenti qui me rappelle la préparation de notre match contre Albi. La montée en Top 14, c’était le premier Graal recherché. Comme cette finale de Champions Cup », admettait-il, quelques heures après une nuit blanche provoquée par un match visionné trop tard : « Je n’aurais pas dû regarder ce putain de match de Northampton contre les Saracens avant de me coucher. J’ai dormi deux heures ».
Un président à contre-courant
S’il est aujourd’hui devenu normal de croiser les décideurs économiques dans les loges de Chaban-Delmas, Marti n’a jamais eu cette route tracée.
Aujourd’hui, l’UBB est le club de rugby le plus populaire d’Europe, avec plus d’un million de suiveurs sur les réseaux sociaux et des tribunes pleines à chaque match. Le club comptait une centaine de partenaires à l’arrivée de Marti. Ils sont désormais plus de 800. Pourtant, rien ne lui a été donné. Il a dû convaincre, insister, financer de sa poche. Et tenir.
À 57 ans, Laurent Marti n’a peut-être pas fini d’écrire l’histoire de son club. Mais il peut déjà contempler, avec une émotion méritée, l’œuvre d’une vie. Un trophée de Champions Cup en main, et une reconnaissance que peu de dirigeants du sport français peuvent revendiquer.