Le Stade Français a échappé de peu à la relégation, mais la fracture est profonde. Samedi soir, la victoire contre Castres (21-10) a permis au club de sauver sa place en Top 14. Pourtant, dans les vestiaires, pas de célébration, mais une forme de gêne, comme l’a résumé sans détour Léo Barré : « On s’excuse pour la saison. »
Car cette saison, vécue comme un long supplice, laisse un goût amer à Paris. Son capitaine Paul Gabrillagues n’a pas cherché à enjoliver la situation : « C’est un grand ouf de soulagement, mais on ne va pas faire les malins. Il faut rester humbles, on est contents d’en finir avec cette saison. »
Au lendemain d’une soirée prolongée dans la capitale, les réactions étaient à l’unisson : « Enfin sauvés ! », « On part en vacances l’esprit soulagé », « On est sauvés, c’est tout ce qui compte. Mais quelle saison de merde ! » Des mots crus, mais révélateurs de l’état d’esprit d’un groupe qui a traversé un véritable naufrage collectif.
Un management à la dérive
Le mal est profond. Dès l’intersaison, les tensions non réglées entre le directeur sportif Laurent Labit et l’entraîneur Karim Ghezal ont miné les fondations du projet. Ghezal a été écarté après quatre journées seulement. Labit, laissé seul aux commandes, n’a pas su redresser la barre. Lui aussi a été démis début mars.
Le passage de relais à Paul Gustard n’a pas arrangé les choses : l’Anglais, engagé jusqu’en 2026, a demandé à partir pour Leicester deux semaines plus tard. Refus catégorique du propriétaire Hans-Peter Wild, qui a au contraire prolongé son contrat jusqu’en 2028. Un feuilleton à l’image du chaos interne.
Des recrues sans impact
Le marché des transferts n’a pas été plus heureux. Louis Carbonel et Yoan Tanga, arrachés à prix fort, n’ont jamais justifié l’investissement. Carbonel a été mis au placard sur les trois derniers matchs, tandis que Tanga n’a brillé ni par son rendement ni sa constance.
Même constat pour l’ailier Raffaele Costa Storti, pourtant meilleur marqueur de Pro D2 la saison passée, qui n’a disputé que trois rencontres avant de filer à Grenoble.
Le recrutement a aussi laissé peu de place aux jeunes du centre de formation. Seuls quelques-uns ont eu une fenêtre d’expression, à l’image d’Isaac Koffi ou Thibault Motassi. Mais d’autres, comme Andy Timo ou Mamoudou Meïté, ont été relégués aux oubliettes. Et si Noah Nene a explosé à Dax, il ne rejoindra le groupe parisien qu’en 2025-2026.
Un avenir flou sous contraintes financières
Avec un salary cap dépassé, le Stade Français n’a aucune marge de manœuvre comme l’explique L’équipe. Dans une interview au Parisien, Hans-Peter Wild a rappelé sa ligne de conduite : « Des joueurs qui viennent pour le club et non pour l’argent ». Une nécessité plus qu’un choix, car le club doit impérativement alléger sa masse salariale. Carbonel pourrait faire les frais de cette purge, un échange avec Enzo Hervé (Toulon) étant à l’étude.
L’effectif devra aussi être restructuré rapidement : 18 joueurs arrivent en fin de contrat, et les cadres de l’équipe réclament des décisions claires avant la reprise du championnat. Le recrutement de Tawera Kerr-Barlow et Thierry Paiva (La Rochelle) est acté, mais insuffisant pour rassurer.
La direction veut reconstruire une identité forte autour de l’Anglais Paul Gustard, entouré d’un staff international : Perry Freshwater (mêlée), Ian Vass (jeu au pied), Rory Kockott (défense) et Scott Crean (performance). Seul Français dans l’organigramme : Morgan Parra, désormais bien isolé.
Les deux mois à venir seront cruciaux pour l’avenir du club. Le Stade Français est passé tout près du précipice. S’il veut éviter d’y replonger, il va falloir bien plus que des mots forts et des promesses de changement.
