L’information est signée L’équipe –
Canal+ est secoué par une affaire qui révèle des dysfonctionnements profonds au sein de sa rédaction rugby. À la suite du licenciement, en décembre dernier, d’un journaliste pour des propos et comportements jugés sexistes envers deux collègues, la direction a lancé une enquête interne dont les conclusions viennent de tomber : cinq salariés ont été mis à pied cette semaine.
Tout a commencé par une plainte de deux jeunes femmes membres de l’équipe éditoriale, qui ont transmis à la direction des captures de messages à caractère sexuel, parfois d’une violence crue. L’un d’eux affirmait notamment : « J’ai envie de te démonter ». Des éléments suffisamment graves pour justifier le licenciement du journaliste concerné.
Le 2 juin, Maxime Saada, président du groupe Canal+, a convoqué toute la rédaction rugby dans une réunion exceptionnelle, sous haute tension. Les téléphones portables ont été déposés à l’entrée pour éviter toute fuite. « Je suis très en colère », aurait-il lancé devant l’assemblée, en révélant les résultats de l’enquête.
L’investigation, menée en interne, a recueilli 34 témoignages. Si une majorité décrit un environnement de travail professionnel, environ un quart d’entre eux dénoncent des dérives sexistes, une ambiance « masculiniste », et des remarques inappropriées. Ces tensions ont fragilisé le collectif cette saison, créant un climat de défiance au sein du service dirigé par Éric Bayle.
Certains témoignages recueillis lors de l’enquête sont accablants. L’un des propos les plus choquants rapportés est celui d’un journaliste évoquant une consultante rugby : « Elle devrait se faire violer par un mec qui sort des Baumettes, ça lui ferait du bien ». Ces verbatims ont été présentés devant l’équipe, mettant en lumière l’ampleur du problème.
En conséquence, trois journalistes en CDD et deux titulaires en CDI ont été suspendus dans l’attente de sanctions éventuelles. Le syndicat +Libres, majoritaire au sein de Canal+, confirme qu’un de ses représentants a pris part à la procédure aux côtés de la direction des ressources humaines, précisant que « le dossier est désormais entre les mains de la direction, qui devra, le cas échéant, prendre et appliquer les sanctions nécessaires ».
Parmi ceux qui appellent à un changement de culture au sein du groupe, Mathieu Blin, ancien joueur du Stade Français et consultant sur Canal+, s’est exprimé avec lucidité. « J’ai la chance d’avoir été élevé par des personnes très engagées, notamment dans des mouvements féministes. […] Draguer, ce n’est pas insister, ce n’est pas harceler », rappelle-t-il, appelant à la vigilance collective.
Cette affaire, qui fait écho à d’autres scandales récents dans les médias et le sport, pourrait marquer un tournant dans la manière dont les comportements sexistes sont traités dans les rédactions sportives.
Contacté par L’équipe, le groupe Canal+ n’a pas souhaité faire de commentaire.
