Samedi, Romain Ntamack foulera la pelouse du Stade de France pour disputer une nouvelle finale du Top 14. Mais derrière le maillot floqué du numéro 10, c’est un homme diminué qui portera encore son équipe.
Si la comparaison avec Matthieu Jalibert alimente les débats, elle ne tient pas compte d’une réalité invisible à l’œil nu : depuis des mois, Romain Ntamack compose avec un genou capricieux. Ce détail qui n’en est pas un a été rappelé par son entraîneur, « Dans 95 % des cas, c’est un garçon qui se serait fait opérer et qui aurait géré sa fin de saison comme beaucoup le font ici ou là », expliquait Ugo Mola.
« Mais, parce qu’il sait qu’on a besoin de lui, il ne lâche pas. Il ne joue peut-être pas avec toutes les qualités qu’on lui connaît mais, ce qui est sûr, c’est que le mec s’accroche. Et ça, c’est honorable. »
Une saison entravée par une articulation capricieuse
Après une longue absence liée à une rupture du ligament croisé, l’ouvreur toulousain n’a jamais retrouvé la plénitude de ses moyens. Ce genou gauche lui complique la vie, encore plus depuis la fin du Tournoi des Six Nations.
« Il a un petit bout de cartilage qui se balade dans le genou : parfois il se bloque, puis il se débloque », expliquait son père, Émile Ntamack. « Des fois, son genou est gros comme une patate. Il est obligé d’aménager les semaines d’entraînement pour le laisser dégonfler ou refroidir. Ce n’est pas idéal. »
Romain lui-même ne cache rien. « Depuis le début de la saison, c’est un point qui me handicape. J’ai fait infiltration sur infiltration pour ne pas me faire opérer et être opérationnel. Mais sur cette fin de saison, je me sens plutôt bien. Elle fait effet, ça ne m’embête pas trop. Il reste un dernier match, je vais serrer les dents et me faire opérer après. »
Une frustration étouffée derrière le sourire
Plus que la douleur, c’est l’impossibilité de retrouver son rythme qui a usé l’international français. « Ça m’a traîné dans la tête tout au long de la saison parce que je n’arrivais pas à débloquer ce genou », confiait-il récemment. La blessure au mollet, la suspension après le rouge contre les Gallois, et une reprise en pointillés ont fini par fragmenter sa saison. L’absence d’Antoine Dupont a accentué la pression sur ses épaules.
Pendant ce temps-là, Jalibert brillait. Et les critiques pleuvaient. Émile Ntamack le dit sans détour : « Il y a la frustration de ne pas être à 100 %. Quand tu t’entraînes bien, tu enchaînes les matchs, tu prends confiance. Il a passé une saison à jouer un match tous les mois et demi. Dans ces cas-là, alors qu’il est toujours très observé, tu n’as pas le recul et la confiance. C’est en cela que la saison est compliquée. »
Une dernière bataille avant le repos
Depuis la fin du Tournoi, Ntamack a été ménagé. Zéro apparition en club jusqu’à la phase finale de Champions Cup, et à peine deux heures de jeu en Top 14 depuis. Et pourtant, samedi, c’est bien lui qui guidera les siens pour tenter de conserver leur couronne.
La suite est déjà écrite : intervention chirurgicale estivale, repos, et probablement un retour au combat à l’automne. En attendant, un dernier effort, pour l’équipe, pour le club, pour ce maillot. Et peut-être pour un nouveau moment de légende, lui qui, un an plus tôt, avait renversé La Rochelle sur une dernière inspiration après avoir traversé l’ombre pendant 79 minutes. Le rugby n’oublie jamais les héros discrets.