
L’été dernier, le rugby français a été secoué par de fortes tensions entre les différents acteurs du rugby professionnel, autour du sujet épineux du salary cap.
Au centre du débat se trouvait la question de la transparence sur les salaires des joueurs.
Malik Hamadache, président de Provale, le syndicat représentant les joueurs professionnels, est revenu sur ce dossier délicat dans un entretien accordé à Midi Olympique.
Si aujourd’hui les échanges semblent plus calmes, le début des discussions fut pour le moins agité : les joueurs étaient fermement opposés à la nature et à l’étendue des données demandées par les instances.
Après plusieurs semaines de blocage, un dialogue a finalement pu se rétablir. Les négociations continuent dans l’objectif de concilier les exigences de contrôle budgétaire imposées par la LNR et la sauvegarde des droits individuels des joueurs.
Il explique les échanges avec la Ligue en ces termes :
« On a fait une proposition de texte, avec nos juristes et en accord avec tous nos correspondants dans les clubs professionnels. Nous sommes en attente du retour de la LNR. C’est une discussion qui est ouverte, qui n’est pas encore finie mais elle se déroule dans un climat sain, apaisé et cordial. Dès qu’on a fait savoir notre opposition au projet initial, la réponse apportée par le président de la Ligue allait dans ce sens, celui de la volonté d’échanger et de concilier. Il reste désormais un bon accord pour tout le monde. »
Malik Hamadache expose également les raisons de leur refus catégorique du projet initial :
« Il fallait tout ouvrir, tout montrer. Ça, ce n’est pas acceptable. Qu’on demande à un joueur d’ouvrir tous les comptes de toutes ses sociétés, qu’on veuille aller fouiller dans une SCI pour éplucher tous les comptes et même ceux des associés, c’est non. Il y a un principe de vie privée à respecter. Il y a aussi un cadre réglementaire, qui est celui du droit du travail. Joueur de rugby professionnel, c’est un contrat de travail classique, un CDD basique et normé par le code du travail. »
Le président de Provale ne cache pas son exaspération :
« On demande aux joueurs de faire attention à leur casque, à leurs chaussettes. Et bientôt leur slip ? On leur demande d’être exemplaires sur le terrain mais aussi en dehors, où plus aucun écart ne leur est autorisé sans qu’il y ait des répercussions sur leur carrière. »
« Si un mec veut se teindre les cheveux en rose, il ne pourra pas se promener dans son village sans que cela déclenche une vague de commentaires. Il ne peut jamais déconnecter et dès qu’il fait un pas de côté, il fait le tour des réseaux sociaux. Et désormais, on leur demande de se mettre à poil sur leurs revenus ? Quel autre salarié accepterait ça ? Clairement, pour nous, c’est non. Il y a un ras-le-bol des joueurs. À un moment, ils aimeraient bien qu’on les laisse simplement jouer au rugby. Il y a des limites. Je le répète, ce sont avant tout des salariés et ils ont droit, comme tout le monde, à se défendre et à faire respecter leur vie privée. »
Il souligne l’importance du travail réalisé par la LNR dans le développement économique du rugby français :
« Notre Ligue fait un formidable travail de valorisation de notre rugby. Elle a créé un équilibre économique qui n’est pas parfait, certes, avec certains clubs en difficulté, mais qui a permis le développement exponentiel de nos deux championnats professionnels. C’est un travail remarquable qui, à moyen terme, valorise aussi les joueurs. C’est cela qu’il faudrait mettre en valeur, plutôt que de toujours penser que les autres font mieux, ailleurs. »
Malik Hamadache confirme que la possibilité d’une grève des joueurs avait véritablement été envisagée :
« C’était très concret. Et j’entends ce discours, que Provale a soufflé sur les braises et attisé la colère, qu’on a fait du syndicalisme à deux balles : c’est absolument faux ! À ce sujet comme pour les autres, nous avons simplement travaillé en transparence avec les joueurs. Avec nos juristes, nous leur avons exposé la situation et les discussions en cours autour de la mise en transparence de leur rémunération. Les remontées de nos correspondants dans tous les clubs étaient très claires, très fermes : « les institutions ne nous écoutent jamais et s’ils passent en force, cette fois, on va à la grève. » »
« Ils y ont réellement songé. Leur ras-le-bol était concret et une réelle solidarité a émergé. Le rôle de Provale a simplement été de porter leur message, pas de l’initier. Ils ont validé toutes nos propositions de texte et toutes nos positions de négociation, en pleine connaissance du dossier. Dans cette affaire, Provale n’a fait que soutenir la position des joueurs et moi, en tant que président, mon rôle était d’aller à la bataille pour eux. Quand ils m’ont dit qu’ils étaient prêts à aller à la grève, ce n’était pas une blague. Provale a donc fait son travail, rien de plus. Ceux qui nous dénigrent ne comprennent rien de cela. »
Enfin, il se félicite de la bonne entente avec la LNR :
« Il y a une très bonne entente avec la nouvelle équipe dirigeante de la Ligue et son président, Yann Roubert. Il y a une réelle écoute et des relations de travail saines. Nous travaillons également bien avec Tech XV (syndicat des entraîneurs) et l’UCPR (Union des clubs professionnels de rugby), les autres syndicats. Tout cela a permis d’avancer, dans une négociation apaisée et constructive. Voilà pourquoi le conflit n’est pas allé plus loin. Tout le monde a préféré la conciliation au bras de fer. Je m’en félicite. La Ligue a pris en considération la voix des joueurs. »
« La position de Provale n’est pas de dire : « on va faire péter le salary cap ». Au contraire, je crois qu’il est essentiel à notre rugby, à son équilibre et à la réussite de son écosystème économique. On sait qu’il y a des abus et des choses qui ne sont pas traçables, dans les transactions. Tout le monde le regrette et c’est bien la preuve qu’il faut un contrôle à ce salary cap. Mais il ne peut pas toujours se faire au détriment des joueurs, de leurs libertés et de leur vie privée. »







