
Deux ans ont passé, mais la cicatrice reste vive. Samedi soir (21 h 10), le XV de France retrouve au Stade de France l’Afrique du Sud, son bourreau du quart de finale de la Coupe du monde 2023. Une affiche brûlante, chargée de symboles, tant ce duel concentre encore les blessures, les rancunes et les non-dits d’un échec que Fabien Galthié n’a jamais vraiment assumé.
Octobre 2023 : la chute des illusions
Le 15 octobre 2023, la France du rugby basculait dans la nuit. Battus d’un point (28-29) par les futurs champions du monde, les Bleus voyaient s’envoler quatre années de travail et un rêve de sacre à domicile. Dans les entrailles du Stade de France, les images d’un Antoine Dupont en larmes et d’un Galthié impassible ont marqué les esprits. Là où le capitaine des Bleus dénonçait certaines décisions arbitrales, le sélectionneur, lui, refusait toute remise en question.
« On a le droit de perdre comme ça s’est passé aujourd’hui. Les joueurs ont le droit de perdre », déclarait-il ce soir-là, avant d’ajouter qu’il n’éprouvait aucun regret. Un discours déroutant, presque provocateur, tant la désillusion fut immense.
L’entraîneur qui ne se trompe jamais
Car derrière la façade de maîtrise, la défaite a révélé des fissures profondes. Selon plusieurs proches du groupe, Galthié n’a jamais accepté d’avoir été surpassé par Rassie Erasmus, le stratège sud-africain. « Fabien ne peut pas l’admettre. Pour lui, tout a été pensé comme il fallait. Il se croit sincèrement le meilleur théoricien du rugby. Il était tellement sûr de lui. Beaucoup plus que ses adjoints », confie un membre du staff de l’époque.
Quelques semaines plus tard, le sélectionneur se défendait encore :
« Je ne me suis absolument pas trompé. Nous sommes entrés onze fois dans la zone de conclusion, c’est deux fois plus que notre objectif qui était de six. C’est que tactiquement, sur un plan offensif, nous ne nous sommes pas trop plantés. Si c’était à refaire, je reprendrais la même stratégie. »
S’appuyant sur les statistiques – possessions, zones d’attaque, « expected points » –, il assurait que la France aurait dû gagner. Une rhétorique technocratique qui a choqué jusque dans son propre camp.
Une confiance présidentielle inébranlable
Protégé par un contrat courant jusqu’en 2028, signé sous l’ère Bernard Laporte, et par un Florian Grill fraîchement élu à la tête de la FFR, Galthié n’a jamais vacillé. Le président fédéral l’a confirmé dès le lendemain du naufrage : « Ce n’est pas la défaite d’un soir qui change quoi que ce soit. Nous avons le meilleur entraîneur. »
Pourtant, le chemin n’a pas été linéaire. Un Tournoi 2024 frustrant, une tournée ratée en Argentine, les affaires Jaminet et Auradou-Jégou, puis une série d’épisodes tendus en interne ont ébranlé le projet. Il aura fallu le Tournoi 2025, remporté après un début d’année plus serein, pour calmer les doutes.
L’heure du sursaut
Ce samedi, Galthié retrouve enfin ses démons. Les Springboks, maîtres de la discipline et de la guerre d’usure, reviennent sur la même pelouse, avec le même staff. Mais l’histoire ne se rejoue jamais vraiment. Pour les Bleus, ce test d’automne est bien plus qu’un match : c’est une quête de réhabilitation, pour un groupe marqué et un sélectionneur qui, selon ses détracteurs, « ne se trompe jamais, même quand il perd ».
Au Stade de France, la revanche ne sera peut-être pas celle d’un score. Ce sera celle d’une crédibilité à reconquérir, autant pour les joueurs que pour leur chef de file.







