
La tournée d’automne du XV de France s’achève sur un bilan comptable positif (deux victoires en trois matchs), mais un sentiment général qui laisse perplexe. Et pour beaucoup d’observateurs, les messages envoyés par Fabien Galthié durant ces trois semaines ont parfois semblé déconnectés du terrain. L’écart entre le discours du sélectionneur et la réalité du jeu a alimenté un débat grandissant autour de la clarté de son projet et de la direction sportive actuelle.
Avant même le premier match, un discours qui interroge
Dans une interview accordée avant la tournée, Galthié avait déjà posé le décor : l’objectif n’était plus d’afficher un taux de victoire exceptionnel, mais de progresser vers la Coupe du monde 2027 en se concentrant sur la manière.
Mais après trois matchs où les Bleus ont souvent manqué de maîtrise, cette stratégie de communication semble s’être retournée contre lui.
Lorsque le sélectionneur admet finalement que « On est moins en place qu’il y a quatre ans », le constat tombe comme une évidence que beaucoup attendaient depuis longtemps.
Des prises de parole souvent en décalage avec le terrain
Après la lourde défaite face aux Springboks (17-32), pourtant marquée par une domination sud-africaine très nette, Galthié souligne une bonne première heure de jeu et évoque des « temps forts » français difficiles à identifier.
Même scénario après la victoire contre les Fidji (34-21), un match brouillon où les Bleus ont encaissé 21 points consécutifs. Il assure que la rencontre s’est « passée comme (il) l’imaginait » et qu’il est « très satisfait ».
Des déclarations qui contrastent fortement avec les faits : défense fragile, organisation instable, discipline fluctuante… et un collectif rarement en pleine maîtrise malgré quatre semaines de travail.
Galthié insiste également sur le manque de vécu commun de ses joueurs, argument souvent avancé ces dernières années pour peser sur les débats autour du calendrier Ligue–Fédé. Une logique contestée par certains, notamment parce que les meilleurs joueurs fidjiens n’avaient pas participé à la Pacific Cup… contrairement à ce que le sélectionneur laissait entendre.
Une communication qui brouille la perception du projet de jeu
Pour certains anciens entraîneurs, ce décalage constant entre discours et performances trouble l’image du XV de France.
Pierre Berbizier, ancien sélectionneur (1991–1995), s’interroge frontalement via Sud-Ouest :
« Toute cette communication est étonnante et entretient une forme d’incompréhension, de confusion dont je me demande si elle ne se prolonge pas sur le terrain, dans la tête des joueurs. Il y a trois ans, on nous parlait de la dépossession. Puis on s’est remis à jouer les ballons. Aujourd’hui, qui peut dire quelle est l’identité de jeu du XV de France ?
En revanche, on sait comment jouent les Boks, les Irlandais, les Anglais, etc. La plupart de nos essais viennent d’initiatives individuelles, pas d’un jeu structuré. À côté de ça, nous avons toujours des problèmes de défense et de discipline. J’ai l’impression qu’on en est au même stade qu’il y a deux ans. »
Selon lui, les essais français viennent surtout d’initiatives individuelles plutôt que d’un cadre structuré, et les mêmes difficultés défensives et disciplinaires persistent depuis deux ans.
Un XV de France qui avance sans certitudes
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Le sélectionneur se veut rassurant : « On reste dans les six meilleures nations du monde ».
Mais à moins de deux ans de la Coupe du monde 2027, l’ambition affichée – être champion du monde – exige bien plus qu’un statut.
L’équipe n’est ni en crise, ni totalement en ligne avec ses objectifs. Coincés entre ambition et réalité, les Bleus poursuivent leur route… mais sans la dynamique irrésistible qui les portait avant 2023.







