Longtemps perçue comme la référence ultime du rugby de clubs, la Coupe des champions traverse aujourd’hui une crise de popularité. Supporters, joueurs et entraîneurs dénoncent unanimement une compétition devenue trop lourde, confuse, qui a perdu de son intérêt sportif.
Thomas Ramos, ouvreur international, n’a pas laissé son constat au hasard avant le début du tournoi : « La Coupe d’Europe qu’on a connue enfant nous faisait certainement plus rêver. » Une phrase lourde de sens qui traduit la désillusion autour d’un championnat autrefois mythique.
### Une formule désormais incompréhensible
Autrefois, perdre un match de poule pouvait compromettre toute une saison. Aujourd’hui, avec 24 équipes engagées dont beaucoup ne se rencontrent jamais, la compétition s’apparente plus à un puzzle qu’à une véritable ligue européenne. Pire encore, 16 clubs sur 24 accèdent aux phases finales, permettant parfois de se qualifier sans même livrer une véritable opposition.
Cette dérive s’explique aussi par l’intégration des franchises sud-africaines, une aventure prometteuse sur le papier, mais lourde à gérer en pratique. Les longs déplacements incitent certains clubs à aligner des équipes largement remaniées. Ramos l’exprime clairement : « On voit, année après année, que des équipes la jouent pendant que d’autres ne la jouent pas (…) Si tu t’amuses à compter combien la jouent vraiment, je pense qu’avec tes deux mains, tu as largement assez de doigts. Forcément, ça pose problème. »
### Des joueurs en quête d’émotions perdues
Cette analyse rejoint celle d’autres acteurs du rugby français. Après la victoire de La Rochelle contre Leicester, Grégory Alldritt admettait que la Coupe des champions « n’a plus le goût de la H Cup d’autrefois » : « Je partage l’avis de Thomas. C’est différent, c’est sûr qu’il n’y a pas la même saveur qu’à l’époque de la H Cup. »
Pour Yannick Bru, entraîneur de l’UBB et quadruple vainqueur du tournoi, le problème est aussi dans l’attitude de certains clubs qui se dédouanent en envoyant leur équipe B lors des déplacements : « Certaines équipes sud-africaines vont se déplacer en France avec leur équipe B. Je trouve ça inadmissible, irrespectueux, et ça ne leur fait pas honneur. Moi, je suis content qu’on joue la grande équipe des Bulls. »
### Une course au bonus offensif qui dénature le jeu
Le système actuel valorise davantage le bonus offensif que la victoire contre un concurrent direct. Ce déséquilibre provoque des victoires excessivement larges, des équipes qui abandonnent rapidement, et des matchs dont les enjeux sportifs se retrouvent souvent désalignés. Paradoxalement, même des clubs peu investis dans la compétition peuvent se retrouver en huitième de finale « malgré eux », tant le format est permissif.
### Vers une réforme nécessaire, mais compliquée
Emmanuel Eschalier, directeur général de la Ligue nationale de rugby (LNR), revendique un retour à 18 clubs pour redonner du sens à la compétition. Un projet néanmoins tributaire d’un consensus difficile à obtenir. Pendant ce temps, les clubs français continuent d’empiler les trophées depuis 2021, sans pour autant restaurer le prestige d’une Coupe des champions qui peine à redevenir un objectif majeur.
### Et demain ? Une Coupe du monde des clubs
À partir de 2028, une nouvelle phase finale verra s’affronter des équipes du Super Rugby, du Japon et d’Europe dans un mini-tournoi à l’échelle mondiale, censé raviver l’intérêt pour la compétition.
Malgré tout, Thomas Ramos reste motivé : « Dire que la Coupe des champions d’aujourd’hui ne nous fait pas envie, ça serait vous mentir. On joue aussi ces compétitions-là pour gagner. »
Un désir de victoire qui contraste avec une réalité : la Coupe d’Europe ne fait plus vibrer comme avant. Tant que son format ne sera pas revu, ses plus belles heures risquent de rester derrière elle.







