Longtemps minimisées, les commotions cérébrales sont désormais au cœur des préoccupations du rugby moderne. Alors que les témoignages d’anciens joueurs affluent et que les recherches scientifiques se multiplient, ce traumatisme invisible s’impose comme un enjeu majeur de santé publique.
Médecins, entraîneurs et joueurs s’accordent sur un constat : le rugby a profondément évolué face à ce fléau, mais le combat est loin d’être terminé. Les commotions touchent toutes les catégories, du monde amateur aux professionnels, et font aujourd’hui l’objet d’un protocole strict. Pourtant, la prévention reste insuffisante.
Pour le docteur Benjamin Laffourcade, médecin de l’Aviron Bayonnais Rugby Pro, cette avancée résulte d’une prise de conscience collective. Il déclare dans Ici Pays Basque : « On a formé les médecins, on a formé les joueurs et on a formé les coachs aussi. Et c’est avec tout ça, petit à petit, qu’on s’est rendu compte que la santé du joueur, c’était capital. »
Les neurologues tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme sur les séquelles des commotions répétées. Le docteur Julia Potenza, neurologue au Centre hospitalier de la Côte basque, souligne : « On a vu des anciens joueurs, des anciens sportifs qui, à l’âge de 45-50 ans, étaient plus souvent dépressifs, ou sombraient dans l’alcoolisme. On a fini par se rendre compte que c’était souvent sur des commotions répétées pendant plusieurs années. » Ces troubles tardifs – dépression, troubles cognitifs, démence précoce – ont profondément modifié la perception du danger lié aux commotions.
Malgré les progrès réalisés, la reconnaissance des commotions demeure complexe. Le docteur Potenza rappelle : « On a l’habitude de penser qu’une commotion, ça va être une perte de connaissance. Mais ce n’est vraiment pas du tout systématique. Ça peut être un trouble visuel, une sensation, un peu d’envie de vomir… parfois très difficiles à reconnaître. » Irritabilité, comportements inhabituels ou simple gêne peuvent aussi être des signes précurseurs.
Le parcours de Gabriel Souverbie illustre cette réalité. Formé à la Section Paloise et évoluant à Saint-Jean-de-Luz, ce jeune joueur a vu sa vie basculer en 2023 après un choc violent. Il confie avoir vécu « deux semaines dans le noir, avec des maux de tête, en arrêt de travail ». Suivi par des spécialistes et victime d’un second traumatisme, il a dû mettre un terme à sa carrière à seulement 22 ans.
Aujourd’hui, les clubs s’efforcent de mieux préparer physiquement et techniquement les joueurs pour réduire les risques. Néanmoins, la tentation de masquer les symptômes pour rester sur le terrain demeure forte, dans un sport où l’engagement est une valeur essentielle.
Le chemin parcouru est conséquent, mais la vigilance doit rester de mise. La commotion n’est plus un simple incident de jeu : c’est un danger réel, discret, qui impose au rugby de poursuivre sa transformation pour protéger ses pratiquants dès le plus jeune âge.







