Chaque saison européenne de rugby inaugure un rituel désormais bien ancré : la sortie des troisièmes maillots. Ces maillots, souvent audacieux, visent à se démarquer des tenues traditionnelles du Top 14 et à séduire de nouveaux publics, grâce à des designs originaux incarnant l’identité propre à chaque club.
Cette année, les clubs font preuve d’une créativité marquante : l’UBB mise sur un bleu ciel mêlé de rose, Clermont opte pour un bleu clair, tandis que Bayonne dégaine un vert basque puissant. Pour Rémy Valette, senior marketing manager chez Kappa France, ce rendez-vous est l’occasion d’« on se fait plus plaisir. C’est un pari aussi sur le côté merchandising, on teste des choses… Ça a fait parler ! »
Kappa, qui équipe notamment l’UBB, conserve cette saison les bandes verticales plébiscitées par les supporters, tout en rafraîchissant sa palette avec du bleu clair et du rose, couleur déjà déclinée dans une gamme lifestyle. Même approche du côté du Stade Toulousain, où le directeur marketing Vincent Bonnet souligne l’importance stratégique de ces collections : « Un maillot, cela fait partie d’une stratégie pour développer la marque… On applique une stratégie et des codes différents pour toucher un public plus large, possiblement plus jeune et plus féminin. Le but est de rester dans l’élégance mais en étant plus dans le lifestyle. »
Au-delà du simple vêtement, ces maillots racontent une histoire. Toulouse revisite son héritage pour les tenues domicile et extérieur avant de plonger dans un univers médiéval et futuriste pour la Champions Cup. La collection baptisée « Red Kingdom » affiche des motifs inspirés notamment du jeu Cyberpunk. À l’instar de l’UBB, cette tenue s’accompagne d’une gamme complète, incluant vestes Teddy et autres produits dérivés.
Mais sur le marché, un maillot, aussi travaillé soit-il, ne se vend réellement que si les résultats sportifs sont au rendez-vous. « La saison dernière, tout le monde voulait le maillot de la victoire en Champions Cup à Bordeaux », rappelle Rémy Valette. L’effet perdure l’année suivante grâce à l’étoile ajoutée sur la tunique, un symbole fort que Vincent Bonnet résume ainsi : « Elle authentifie la tenue et lui donne plus de puissance. »
Le timing de sortie de ces maillots n’est pas anodin. Dévoilés en octobre, ils interviennent bien après les modèles classiques du Top 14. Ce choix stratégique permet « de scinder la saison en plusieurs temps forts… Nous sommes avant Noël, et cela apporte de la nouveauté aux fans », explique Valette. Toulouse partage ce raisonnement : « Ce n’est pas pertinent de les sortir l’été car c’est trop loin de la Champions Cup… Les mettre en vente pendant la tournée d’automne, c’est également mieux », précise Bonnet.
La Section Paloise, elle, vit une situation particulière. De retour en Champions Cup pour la première fois depuis 1997-1998, le club connaît une véritable explosion des ventes. « On a déjà plus vendu le maillot de cette compétition que celui de la Challenge Cup sur les deux dernières années additionnées », se réjouit Yoann Fumeron, responsable merchandising. Les supporters plébiscitent désormais cette tunique européenne au détriment de celle du Top 14.
Pau a également connu une situation exceptionnelle avec le maillot du Super Sevens, adopté avec enthousiasme par les cadres de l’équipe. « Quand les leaders du quinze l’ont vu, ils ont voulu jouer avec », raconte Fumeron. Résultat : la Section se retrouve avec deux maillots européens, dont une version verte, blanche et or finalisée depuis près d’un an.
Le club a également choisi un lancement décalé, en mi-octobre, lors du media day de l’EPCR. « C’était une fierté d’y aller avec notre maillot de Champions Cup pour célébrer notre retour », témoigne le responsable merchandising. L’équipementier Macron, laissant une grande liberté créative, a déjà collaboré avec le club pour préparer la saison prochaine : « Ça dépend de l’inspiration… Pour la saison prochaine, il y a un des maillots qui vient de nous, l’autre d’eux. »
Avec cinq maillots différents cette année – deux pour le Top 14, deux pour la Champions Cup et un pour le Super Sevens – la Section Paloise pourrait bien battre son propre record l’an prochain.







