
Les déclarations d’Antoine Dupont ont remis sous tension un sujet incandescent du Top 14 : le plafonnement de la masse salariale (10,7 M€). À la tête de la LNR, Yann Roubert en a fait un axe majeur : « éradiquer la tricherie ». Depuis son arrivée, des sanctions sportives sont prévues en cas d’infractions, dans le sillage des révélations autour du transfert de Melvyn Jaminet (Perpignan → Toulouse, 2022) qui avait valu au Stade Toulousain 1,3 M€ d’amende. Le fond du problème : l’opacité et les stratagèmes de contournement qui prospèrent depuis des années.
« Tout le monde ne respecte pas le salary cap »
Dans Le Figaro, Mourad Boudjellal n’a pas mâché ses mots : « On ne va pas se mentir : tout le monde ne respecte pas le salary cap, de différentes façons. (…) Même ceux qui gueulent le plus contre le non-respect du salary cap trichent. Même ceux qui sont au plus haut niveau de la Ligue, ils trichent ou ont triché. Voilà. » L’ex-président du RCT a déjà décrit, dès 2018, des pratiques de rémunérations via l’étranger ou en bitcoins, et les montages autour des droits à l’image : « Si un partenaire achète l’image d’un joueur, cette somme intègre le salary cap. Quand vous avez des tas de marchés à côté, vous pouvez bien dire à quelqu’un de prendre les droits d’image d’un joueur, donc cela n’entre pas dans le salary cap. »
Image des joueurs : Dupont contre, la LNR recadre
C’est précisément sur ces versements parallèles que la Ligue veut serrer la vis. Antoine Dupont déplore : « Les règles du salary cap nous empêchent d’utiliser notre image individuelle à travers des contrats de pub classiques », ajoutant : « On se retrouve dans une économie du rugby qui est grandissante (…) grâce à nous les joueurs au milieu et au final on n’est pas bénéficiaire de ça puisque le salaire stagne, voire baisse, et on ne peut pas utiliser notre image. Ça commence à faire beaucoup. »
La LNR répond : elle « n’interdit en aucun cas à un joueur de disposer de son droit à l’image. Ce qui est prévu, c’est que les contrats conclus avec une entreprise partenaire du club soient déclarés dans le salary cap par les clubs. C’est un principe de transparence, récemment renforcé, qui vise à éviter tout contournement du plafond salarial par des rémunérations indirectes. »
Un plafond « réel » plus élevé pour les clubs fournisseurs des Bleus
Autre sujet inflammable : le crédit pour internationaux. Les clubs qui alimentent le XV de France bénéficient d’un crédit de 180 000 € par international (liste « premium » LNR/FFR) – et 100 000 € pour les joueurs de France 7 – afin de compenser leurs absences. Résultat, le plafond « réel » grimpe de fait pour les grosses écuries : Toulouse à 13,5 M€, devant La Rochelle (12,1 M€), UBB (11,7 M€) et Toulon (11,5 M€) (chiffres cités par Sud Ouest). De quoi faire grincer Bernard Pontneau (Section Paloise) : « Il faut qu’il y ait un équilibre dans les masses salariales. Certains ont des crédits au niveau du salary cap et peuvent faire n’importe quoi, là-bas du côté de la Garonne… » Et d’ajouter : « Que l’on ait des écarts de masse salariale par rapport à l’attractivité des clubs, c’est normal. Mais les écarts sont trop grands. On risque d’avoir toujours les mêmes vainqueurs à la fin. »
Réformes : pas avant 2027-2028 ?
Si la volonté de réguler est affichée, la clarification du dispositif (périmètre, assiette, contrôles, traitement des droits à l’image et des crédits internationaux) ne devrait pas intervenir avant 2027-2028. En attendant, le sentiment d’incompréhension persiste, sur fond d’un constat partagé : à 10,7 M€ théoriques, rester sous le cap paraît « fantaisiste » pour certains effectifs XXL… et la bataille politique ne fait que commencer.







