Ancien pilier du Castres Olympique, Rodrigo Capo Ortega s’est livré avec une rare franchise dans les colonnes du Midi Olympique, évoquant sans détour la descente aux enfers qu’il a traversée après avoir quitté les terrains en 2020, en pleine pandémie de Covid-19.
« Durant toute ma carrière rugbystique, qui a duré plus de vingt ans, j’étais aveugle ! Je vivais rugby, mangeais rugby, dormais rugby », confie-t-il. Pour lui, le rugby n’était pas seulement un métier, mais un véritable refuge. « Tous les samedis, le jour du match, pendant quatre-vingts minutes, j’étais un superhéros. Tous mes problèmes s’envolaient. » Sa retraite sportive, initialement pensée comme un moment glorieux, a basculé brutalement. Victime l’année précédente d’une hernie discale, il avait pourtant travaillé dur pour revenir au plus haut niveau, visant un dernier match au stade Pierre-Fabre. Mais le 20 mars 2020, l’entraînement est annulé, la réception de Bayonne suspendue : la pandémie stoppe net ses plans. « Je pensais vraiment que ce n’était qu’un arrêt passager », se souvient-il, avant d’admettre que la reprise n’est jamais venue. « Le coup a été terrible. »
S’en suit une période sombre. D’une « petite déprime » à une « grosse dépression », il sombre dans l’alcoolisme. Le point de rupture se fait un jour où sa colère devient incontrôlable. « J’ai commencé à frapper les murs de chez moi, j’ai fait des trous partout avec mes poings. Ma femme Julie, ma belle-mère et les enfants sont montés à l’étage, ils ont eu peur. » C’est là qu’il décide, avec l’aide de ses proches, de demander de l’aide. Hospitalisation, sevrage, puis réhabilitation dans un centre spécialisé où son regard va profondément changer. « J’ai beaucoup à apprendre de ces gens-là. J’ai appris que la vie c’était ça : tomber et se relever sans arrêt. »
Avec du recul, Capo Ortega identifie la racine de son mal : « j’avais peur. Une peur terrible. Peur de ne plus être aimé comme lorsque j’étais joueur, notamment par ma famille. » Malgré ses diplômes – formation d’entraîneur, master en management, certification de coach mental – il se sentait enfermé, « comme un taureau qu’on lance dans l’arène », sans échappatoire. Mais c’est l’amour et le soutien indéfectible de sa femme qui lui ont permis de remonter la pente. « Elle m’a fait la plus belle des déclarations d’amour en restant à mes côtés durant cette épreuve. »
Il décrit la dépression comme une maladie insidieuse, « comme une grippe, cela ne se contrôle pas. C’est comme si une personne extérieure entrait dans votre corps pour en prendre le contrôle. » Son message aux sportifs est clair : « Les joueurs ne doivent pas hésiter à se tourner vers un professionnel, parfois à l’extérieur de leur club. Quelques séances peuvent suffire à changer le cours des choses. »
Une reconnaissance qu’il adresse aussi à son ancienne équipe : « Le Castres Olympique a été exceptionnel avec moi. J’ai toujours pu compter sur le club et je ne l’oublierai jamais. Le CO m’a permis de rebondir. »
Aujourd’hui, Rodrigo Capo Ortega se veut un témoin engagé, souhaitant « aider l’humain ». Il a entamé l’écriture d’un livre, prévu pour septembre 2026, et poursuit ses interventions dans les clubs de la Ligue Nationale de Rugby. « Je prends plaisir à transmettre aux autres », confie-t-il, conscient que son combat continue : « Pour pouvoir continuer tout ça, je dois encore travailler sur moi, et de mieux en mieux pour être tout le temps le plus ‘aligné’ possible. »







