À mesure que les rencontres s’enchaînent, une question s’impose : Matthieu Jalibert est-il prêt à prendre le relais au poste de numéro 10 en équipe de France, rôle longtemps promis à Romain Ntamack ? L’ouvreur de l’Union Bordeaux‑Bègles, auteur de performances impressionnantes ces derniers mois, s’impose au centre des discussions par la seule force de son jeu.
Les louanges affluent. « Encore une masterclass », « sur une autre planète », s’exclament régulièrement les observateurs après chacune de ses sorties.
Déjà désigné homme du match à deux reprises cet automne en Champions Cup, Jalibert a une nouvelle fois brillé en Top 14 contre Toulon, délivrant sa 19e passe décisive de l’année civile. Ce niveau d’excellence s’appuie sur des responsabilités accrues : « altruisme », « leadership », « envie de donner du carburant à l’équipe », souligne son manager Yannick Bru.
Pour Noel McNamara, le débat dépasse désormais le simple volet sportif pour entrer dans une dimension statistique : « Pour moi c’est un des meilleurs 10 du monde, peut-être le meilleur, avec sa capacité à attaquer l’espace, sa vitesse pas vraiment normale pour un 10, sa longueur de pied ». Il ajoute : « Il a cette capacité à scanner les défenses et à vite prendre la bonne décision. Il a une valise pleine de solutions ».
Longtemps pointé du doigt sur le plan défensif, Jalibert a nettement progressé grâce à l’accompagnement d’Aurélien Cologni, spécialiste venu du rugby à XIII. « Matthieu est un très bon défenseur, il en a tout le bagage. C’est juste que ça dormait en lui », assurait ce dernier en septembre. Jalibert en rit encore : « Soit il est fou, soit il a vu quelque chose en moi que personne n’a encore perçu ». Puis il ajoute : « Je sais que la défense n’est pas mon point fort, mais je n’ai jamais considéré que j’étais un joueur qui s’échappait. C’est loin d’être parfait mais je donne mon max ».
Le débat demeure cependant l’éternelle équation tricolore : peut-on aligner Jalibert aux côtés d’Antoine Dupont ? Sur ses 35 sélections, douze ont été disputées avec le capitaine comme partenaire. Pourtant, certains décideurs craignent qu’avoir deux ouvreurs offensifs nuise à l’équilibre de l’équipe. Ce doute a été renforcé par l’automne mitigé de Ntamack, même si le retour de Dupont pourrait à terme redistribuer les cartes sans révolutionner immédiatement la composition.
Le parcours international du Bordelais n’a pas été un long fleuve tranquille. Entre éclats de génie et frustrations, comme après la défaite à Twickenham en février où il fut critiqué à sa sortie alors que la France menait encore, Jalibert a souvent entretenu une relation ambivalente avec le staff national. « J’ai eu une longue discussion avec Galthié, ça restera entre nous. Il m’a dit qu’il ne me sentait pas très bien, que je pouvais rentrer chez moi », confiait-il en évoquant sa mise à l’écart avant le Tournoi 2025. « Donc je lui ai dit que je préférais rentrer ».
Depuis, la donne a changé. Jalibert a été sacré champion d’Europe, a réalisé deux passes décisives en finale face à Northampton, et surtout impose aujourd’hui une régularité rare pour un numéro 10 français contemporain.
Le débat sur son avenir en Bleu n’a jamais été aussi ouvert.







