À seulement 28 ans, Alex Arrate a décidé de mettre un terme à sa carrière rugby, une décision douloureuse dictée par un genou qui ne l’a jamais vraiment laissé tranquille. Ancien joueur du Stade Français et du RC Vannes, il quitte le terrain sous le poids d’une souffrance chronique.
Le 11 décembre, le RC Vannes annonçait officiellement ce retrait prématuré. Quelques heures plus tard, un hommage chargé d’émotion lui était rendu à la Rabine. « Un moment hors du temps vécu avec émotion », confie Arrate, qui accepte ce tournant avec dignité.
Cette douloureuse décision trouve ses racines dans une blessure majeure survenue le 18 janvier 2018. Alors âgé de 20 ans et évoluant à Biarritz, Alex Arrate subit une grave entorse au genou : rupture du ligament croisé, lésions du ligament interne et du ménisque. Si l’opération était classique dans le rugby, sa récupération n’a jamais été complète. « Je n’ai pas eu la chance de récupérer comme beaucoup d’autres… Malchance ou pas, je n’en sais rien. Mais j’ai quand même réussi à tenir jusque-là », confie-t-il à L’Équipe, sans amertume.
Le joueur n’hésite pas à décrire l’intensité de sa douleur : « Je n’ai plus de cartilage, donc mes os frottent l’un contre l’autre. Je n’arrive plus à plier le genou ou à le tendre complètement. Quand je suis en période de crise, je ne peux même pas monter ou descendre des escaliers. Dès que je marche vingt minutes, j’en ai marre. Le soir au moment de me coucher, la sensation de la couette qui glisse sur mon genou est atroce. »
Il ajoute : « Mais bizarrement, pendant les matches, avec les anti-inflammatoires et l’adrénaline, je ne sentais rien. Mais sur une semaine de sept jours, ça allait un jour et les six autres, c’était un calvaire. Ça devenait de plus en plus pesant. Chaque matin, je me demandais si j’allais pouvoir m’entraîner et assumer mes responsabilités de sportif professionnel. » Cette guerre intérieure était d’autant plus rude qu’« même si le staff est prêt à te ménager pour te protéger, au fond de toi, tu te dis que tu n’as pas le droit, que tu triches. J’étais tiraillé. Et comme nous sommes bercés par la compétition, la gagne, tu tires sur la corde. Pour ne rien arranger, à cause de ça, mon humeur change. Je deviens désagréable. Ce n’est pas facile à gérer. »
Pendant près de dix ans, entre blessures et douleur, Arrate a tenu bon, soutenu par son mental. « Ça se voit que j’ai une jambe que je ne peux pas trop plier, que j’ai une technique de course aléatoire. Mais le mental prenait le dessus. » Pourtant, les infiltrations, qu’il subissait « quatre cinq fois par an », et les antidouleurs quotidiens ne suffisaient plus à cacher la réalité. Ses crises rendaient même monter un simple escalier insurmontable. Ce calvaire a fini par l’emporter.
Un reportage, où des anciens athlètes racontaient leurs séquelles, a scellé son choix : « Je me suis retrouvé dans tous leurs témoignages. Au moment du reportage, j’étais blessé. J’ai pris conscience que la santé prime avant tout. »
Alex Arrate quitte le rugby sans amertume. « Je ne suis pas triste que ça s’arrête, mais content de l’avoir vécu. » Pourtant, il ne cache pas ses difficultés au quotidien : « Je suis handicapé dans ma vie de tous les jours. Quand je marche, je boite… Quand je suis assis trop longtemps, il faut que je me lève, sinon la douleur est insupportable. »
Deux spécialistes consultés évoquent une solution : une prothèse en titane. Mais « 28 ans, c’est un peu jeune pour poser une prothèse… » explique-t-il, préférant temporiser et préserver son avenir.
Pour demain, Arrate trace une nouvelle voie. De retour à Paris, il achève un Master 2 à Neoma Business School, à la recherche d’un stage puis d’un emploi. « Place à ma seconde vie ! » affirme-t-il avec détermination.
Le rugby, lui, ne disparaît pas : « Je regarderai les copains, j’irai au stade partager une bière. J’arrête six mois plus tôt que prévu, mais ça ne change rien. » Enfin, il lance un message fort, fruit de son vécu : « Il ne faut jamais se sentir forcé de jouer. La santé des joueurs est primordiale. » Et conclut : « Je ne pars pas fâché avec le rugby. »







