Le Stade Toulousain sanctionné, le rugby français silencieux
Le Conseil de discipline du rugby français a prononcé une sanction lourde contre le Stade Toulousain : un retrait de deux points fermes (plus deux avec sursis) en championnat, accompagné d’une amende de 45 000 euros (dont 15 000 avec sursis). Ces pénalités font suite à des faits de « comptabilisation erronée et/ou frauduleuse et/ou financements détournés » liés au transfert de Melvyn Jaminet.
Si cette condamnation est claire sur le papier, elle a été accueillie par un silence presque total de la part des autres dirigeants du Top 14. D’habitude prompts à réagir, plusieurs présidents ont cette fois évité le débat, répondant par des formules courtes telles que « Pas de commentaire », « une décision a été rendue, ce n’est pas à nous de juger », ou n’ont simplement pas répondu, certains renvoyant même vers leur répondeur.
Selon le journal L’Équipe, neuf clubs ont bien répondu aux sollicitations, mais pour mieux esquiver, deux clubs sont restés muets et deux autres se sont excusés pour raisons personnelles. Ce mutisme contraste fortement avec l’importance de la sanction, jugée clémente par certains observateurs, qui alimente pourtant discussions et interrogations en interne.
Dans ce climat feutré, rares sont les avis exprimés, même en off. L’un des dirigeants ironise : « C’est quatre heures de colle et on ne prévient pas tes parents. Il n’y a pas d’exclusion. » Un autre s’interroge plutôt sur la procédure elle-même : « certains ne comprennent pas bien ce qu’est venue faire l’A2R (Autorité de régulation du rugby, ex-DNACG) dans ce dossier, alors qu’à la base, il s’agit d’un outil pour sécuriser l’économie du rugby pro et la sincérité des comptes. C’était inédit pour eux d’aller traiter ce type de choses. »
Toujours auprès de L’Équipe, un président explique avoir préféré garder le silence afin d’éviter un effet pervers : « pas envie que les Toulousains chargent trop. Sinon ça allait les servir indirectement, ils auraient été dans la victimisation. Donc je suis content que la sanction soit clémente… De toute façon, ils avaient déjà été suffisamment condamnés par la Ligue. »
En mars dernier, le Stade Toulousain avait en effet déjà payé une lourde amende de 1,3 million d’euros dans le cadre d’une médiation. Pour certains, le dossier est donc quasiment soldé sur le plan sportif et financier. Pour d’autres, « le plus important est ce que le parquet va faire », soulignant que l’affaire n’est pas terminée.
En avril, le parquet de Toulouse a ouvert une enquête préliminaire pour abus de confiance. Un dirigeant résume l’attente générale : « Le judiciaire permettra de savoir exactement ce qu’il s’est passé et déterminer les responsabilités et les victimes. » Dans ce contexte d’incertitude, plusieurs responsables préfèrent temporiser, espérant que la sanction serve de leçon au club : « On espère que ces sanctions serviront de leçon aux Toulousains. »
Ce silence prudent tranche avec les réactions virulentes entendues lors d’affaires précédentes. En août 2020, alors que Montpellier était sanctionné d’une amende record de 3 millions d’euros pour dépassement du salary-cap, les présidents de clubs s’étaient exprimés sans retenue. Bernard Lemaître, président du RCT, s’était dit « étonné que la Ligue se prête à des « arrangements » avec les fautifs graves ». Vincent Merling, à la tête de La Rochelle, avait dénoncé : « Le MHR a avoué avoir triché et à la place de monsieur Altrad, je démissionnerais. (…) Parce que l’argent ne peut pas absoudre de la tricherie organisée. » Jacky Lorenzetti, alors président du Racing 92, avait quant à lui fustigé : « Trois millions, c’est atomique. C’est une reconnaissance de culpabilité. (…) y a-t-il une justice pour les riches et une justice pour les pauvres ? »
Cinq ans plus tard, le ton a changé. Si les questions restent nombreuses, les commentaires se font rares. Autour du dossier toulousain, le rugby français semble avoir choisi la retenue… ou l’attente.







