La Ligue Nationale de Rugby (LNR) s’apprête à annoncer une légère augmentation du plafond salarial en Top 14, passant de 10,7 millions d’euros à 11 millions d’euros. Cette décision, bien que symbolique, marque une étape importante pour l’économie du rugby français.
Interrogé par Le Figaro, Philippe Spanghero décrypte les enjeux de ce changement : « Le rugby français a été plutôt raisonnable. En 2020, la Ligue avait décidé de baisser le plafond, qui était de 11,3 M€, à 10,7 M€. Une décision pas évidente à prendre alors que l’économie continuait à se développer. […] C’était donc une décision forte. Et sage. » Il souligne que cette baisse avait pour but d’éviter une surenchère entre clubs, à l’image de la crise économique qui a frappé le rugby anglais : « Ça créait une bulle spéculative qui n’avait aucun sens. Mais là, le fait de dire, ‘le taux d’affluence moyen est en train d’exploser, les budgets des clubs augmentent, il faut qu’on revoie un peu la copie’ […] ça amorce une réouverture positive. »
Selon Spanghero, le Top 14 est aujourd’hui à l’abri d’une crise similaire à celle du rugby anglais grâce à deux mesures clés : un encadrement strict de la masse salariale et la mise en place des Jiff, qui imposent un quota de joueurs formés en France. « La combinaison des deux nous a permis de relancer une formation beaucoup plus efficace. » Il explique que lorsque les grands capitaines d’industrie tels que Mourad Boudjellal ou Jacky Lorenzetti sont arrivés, ils cherchaient à gagner rapidement en attirant des stars étrangères, mais le salary cap a limité leur marge de manœuvre.
Le rugby français conserve ainsi un avantage économique majeur pour attirer les joueurs : « Le rugby anglais commence à se remettre de la crise mais, économiquement, leurs clubs sont encore beaucoup plus fragiles que les nôtres. […] Le salaire moyen des bons joueurs est beaucoup plus bas qu’en France. » En moyenne, un joueur touche environ 20 000 euros par mois en France, un niveau inégalé dans les autres grands pays du rugby comme l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, le Japon ou même l’Angleterre.
Cependant, ce système n’a pas toujours été respecté. « Au départ, il n’y avait pas l’organe et les outils de contrôle qui existent maintenant. Donc, c’est vrai, beaucoup de présidents ont abusé en trouvant des contrats périphériques au club ou en payant les joueurs de façon plus ou moins exotique. » Face à ces dérives, la LNR a durci ses règles, notamment en intégrant dans le salaire plafond tous les contrats liés aux sponsors, fournisseurs ou filiales des propriétaires des clubs : « La LNR a alors tranché : tout ce qui est contrat individuel d’un joueur en lien avec une partie prenante du club sera considéré comme du salaire déguisé et devra être inclus dans le salary cap. »
Un sujet sensible pour certains clubs fournissant de nombreux internationaux, comme le Stade Toulousain, l’UBB ou le Stade Rochelais, et qui devra être traité avec attention à l’avenir.
Par ailleurs, Spanghero recadre les internationaux français critiquant la règle du droit à l’image : « Ils ont une vision partielle des choses et ne regardent que ce qui les concerne. Remettre aujourd’hui en question un système qui a démontré qu’il avait protégé le rugby français d’une bulle spéculative, il n’en est pas question. » Il rappelle que ce débat ne concerne « que 25 joueurs sur les 500 qui évoluent en Top 14 » et qu’un compromis est envisageable.
Ce compromis pourrait consister à reconnaître un droit à l’image individuel limité pour les internationaux majeurs et quelques joueurs historiques dans chaque club. « On accorde à chacun de ces joueurs premium un droit à, par exemple, 150.000 euros de contrat avec des parties associées à leur club qui n’entreront pas dans le salary cap. Et, pour chaque club, on peut dire qu’ils ont droit à deux joueurs non internationaux qui peuvent chacun avoir 50.000 euros de droit d’image. »
Cette mesure vise aussi à préserver l’attractivité commerciale des clubs : « Je prends l’exemple du Stade Toulousain avec Peugeot. Si BMW arrive et dit ‘je veux Dupont’, Peugeot dira ‘non, parce qu’on est indirectement associé à Dupont avec le Stade Toulousain’. Ça fragilise potentiellement des deals commerciaux importants. »
Pour Spanghero, il s’agit de trouver un équilibre entre la rigueur économique nécessaire et la valorisation des joueurs : « Tu ne peux pas, d’un côté, avoir des partenaires privés qui viennent s’associer au club et aux têtes d’affiche, et de l’autre, leur dire qu’ils n’ont pas le droit de s’associer plus directement aux têtes d’affiche individuelles. » Une réflexion que la LNR devra approfondir pour garantir la santé économique du rugby français tout en soutenant son modèle sportif et commercial.







