Un an après leur introduction dans le rugby professionnel, les protège-dents connectés modifient en profondeur la détection des commotions, loin des promesses spectaculaires et des annonces tapageuses. Leur efficacité se mesure aujourd’hui sur des résultats concrets, tout en révélant des limites nettes.
Midi Olympique dresse le bilan dans un récent reportage. Le constat est simple : certaines commotions dans le rugby échappent encore à l’œil humain, que ce soit celui de l’arbitre, des caméras ou du staff médical, parfois même du joueur lui-même. « Le but est de réussir à sortir des joueurs commotionnés qui n’ont pas été détectés par la vidéo, par l’arbitre, par le médecin de match ou par les autres joueurs », explique Bernard Dusfour, président de la commission médicale de la LNR. Sur ce point précis, le verdict est positif : « Est-ce que cela a été efficace sur la saison passée ? La réponse est oui ».
La technologie a ainsi permis de détecter des commotions invisibles jusque-là. Durant la dernière saison, neuf joueurs sont sortis du terrain après une alerte déclenchée uniquement par leur protège-dents connecté. « Le protège-dents a sonné, le joueur est sorti et la commotion était avérée », confirme Bernard Dusfour. Mieux encore, « à aucun moment nous avons vu des signes de commotion » à la vidéo dans ces cas. Ces situations représentent environ 10 % des commotions identifiées, un chiffre modeste mais significatif qui modifie concrètement la prise en charge des joueurs. Olivier Petit, responsable des affaires médicales à la LNR, souligne que « cela confirme que c’est un outil supplémentaire pour lutter contre l’un des plus grands dangers du rugby ». Loin de remplacer le jugement humain, le protège-dents agit donc comme un filet de sécurité essentiel.
Toutefois, ce dispositif est encore en phase d’ajustement. « Les réglages en cours sur cette saison sont notamment effectués pour améliorer la sensibilité du protège-dents », précise Bernard Dusfour. À terme, la technologie devra évoluer vers une personnalisation accrue : « Cela pourrait évoluer avec des adaptations en fonction des joueurs, de leur poste, de leur style de jeu et de leur gabarit », ajoute Olivier Petit.
Mais l’acceptation par les joueurs demeure un enjeu majeur. Si « on a réussi à imposer que les protège-dents soient mieux personnalisés », reconnaît Olivier Petit, le confort pose encore problème. Louis Jalabert, préparateur physique de l’USM, constate que « au niveau du confort, avec la puce sur le côté, ce n’est pas optimal ». Selon lui, « c’est plus gros mais que d’un côté, c’est localisé et c’est souvent ce qui provoque la gêne ». Sa recommandation est claire : « L’idéal serait d’affiner un peu la puce ». Quelques joueurs bénéficient d’exemptions pour raisons médicales, « mais c’est à la marge », indique Bernard Dusfour. Globalement, l’outil est désormais « mieux accepté », même si des réticences individuelles subsistent.
Au-delà de la détection immédiate des commotions sur le terrain, le protège-dents connecté ouvre des perspectives pour la prévention à long terme. « On veut savoir si le fait de subir beaucoup d’accélérations, rotatoires ou linéaires, vont entraîner des conséquences sur l’état cérébral du joueur », précise Bernard Dusfour. L’objectif est de déterminer « à partir de combien d’accélérations cela peut entraîner des conséquences physiques ».
Pour Olivier Petit, cette innovation représente un tournant inédit : « Cela nous permet d’accumuler des données précises sur la charge d’impact qu’on ne pouvait pas mesurer avant ». Cela inclut l’entraînement, avec une nouvelle approche : « Être dans la prévention en se disant qu’il faut mettre certains joueurs au repos avant d’atteindre la commotion ». Reste que la prudence est de mise : « Les données sont encore à l’étude et les scientifiques n’ont pas d’avis tranchés ».
Le protège-dents connecté n’a donc pas révolutionné le rugby en une saison. Mais il a ouvert une voie prometteuse. Pour évaluer pleinement son potentiel, il faudra encore du temps, des données, et au moins deux saisons d’observation supplémentaires.







